Imran Khan, l'homme qui espère reprendre les rênes du Pakistan depuis sa prison 



Libé
Mardi 21 Janvier 2025

Imran Khan, l'homme qui espère reprendre les rênes du Pakistan depuis sa prison 

L'ex-Premier ministre pakistanais Imran Khan, bête noire du pouvoir condamné vendredi à 14 ans de prison pour corruption, espère encore un grand retour grâce à l'engouement populaire que sa promesse de renouvellement politique suscite toujours.


L'ancienne star du cricket mondial lance en 1996 son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI). Mais ce n'est qu'en 2018 qu'il devient Premier ministre.
 Il promet alors réformes sociales, lutte anticorruption, et, rompant avec sa jeunesse sulfureuse, prône un conservatisme religieux qui plaît dans le pays très majoritairement musulman.
 Il a surtout le soutien de l'armée que l'on dit faiseuse de roi. Qu'il finit par perdre jusqu'à être brutalement évincé par une motion de censure en 2022.


Depuis, l'homme de 72 ans défie l'omnipotente institution, qu'il accuse d'avoir fomenté une tentative d'assassinat dont il a réchappé blessé en 2022.
 Vendredi, de nouveau, depuis la salle d'audience dans sa prison d'Adiala, après que le juge a annoncé son verdict, il se lançait dans une nouvelle diatribe bravache. "Je ne passerai pas d'accord ni ne chercherai à alléger (ma peine)", a-t-il affirmé à la presse. 
Pourtant, depuis des jours, ses lieutenants ont repris langue avec l'armée et les experts attendent un possible accord entre le pouvoir et sa bête noire.

Le verdict de vendredi, disent-ils, pourrait n'être qu'un moyen d'augmenter la pression sur le trublion de la politique pakistanaise.
 Islamabad est lancée depuis sa chute dans une implacable répression: des milliers de ses partisans ont été arrêtés et M. Khan est emprisonné depuis août 2023.

Il a été déclaré inéligible pour dix ans.
 Entre accusations de violence, de corruption et même de mariage illégal avec sa troisième épouse, Bushra Bibi, entièrement voilée et qui ne s'exprime que très rarement, il doit répondre de près de 200 affaires.
 Des affaires politiques, martèle M. Khan, un impulsif au charisme indéniable. En juillet, un panel d'experts de l'ONU a qualifié sa détention d'"arbitraire", réclamant sa libération "immédiate".


Ses partisans, eux, prennent régulièrement la rue. En novembre, ils étaient encore des milliers à marcher sur Islamabad pour réclamer sa libération. La démonstration de force s'est terminée en catimini au cœur de la nuit, après un millier d'arrestations et aucune concession du pouvoir.


Depuis son entrée en politique, le diplômé d'Oxford, fils d'une riche famille de Lahore, grande ville de l'Est frontalier de l'Inde, ne cesse de croire en son destin à la tête du pays, une ténacité qui s'est révélée payante.
 Il s'est longtemps occupé de projets caritatifs, levant des millions pour construire un hôpital pour des patients atteints de cancer, à la mémoire de sa mère.


Aux législatives de février 2024, au terme d'une campagne menée depuis sa cellule via des contenus générés par intelligence artificielle, son parti gagne plus de sièges que tous les autres. Mais tous se coalisent pour former un gouvernement sans le PTI.


Imran Khan incarne pour nombre des 240 millions de Pakistanais le seul espoir d'en finir avec les deux dynasties familiales - la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) de la famille Sharif, dont est issu l'actuel Premier ministre Shehbaz Sharif, et le Parti du peuple pakistanais (PPP) des Bhutto - qui se partagent le pouvoir depuis des décennies.


Mais une partie de la population est exaspérée par sa rhétorique revancharde et ses penchants conspirationnistes, qui ont accentué les fractures de la société. Certains pointent aussi son bilan: une répression de la presse décriée par les défenseurs des droits humains, une gestion économique erratique doublée d'une conjoncture défavorable qui a aggravé l'inflation, déprécié la roupie et creusé la dette.


Le verdict de vendredi est l'une des peines les plus lourdes prononcée contre M. Khan, mais il peut encore faire appel. Il constitue malgré tout un revers de taille.


Depuis quelques mois, ses quatre condamnations avaient été annulées en appel ou suspendues par des juges. Son épouse, poursuivie dans plusieurs affaires, avait été libérée. Vendredi, elle a été "arrêtée dans l'enceinte du tribunal", a rapporté l'une de ses porte-parole.


Mais M. Khan garde un espoir: au Pakistan, les politiciens font régulièrement des retours en fanfare après une incarcération.
 "Un capitaine doit montrer l'exemple - il doit faire preuve de courage s'il veut que son équipe se batte", écrivait-il en 2011 dans ses mémoires. "Je me battrai jusqu'à la dernière balle", disait-il encore, dans l'une de ses nombreuses analogies avec le cricket.


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